Je viens de lire d’une seule traite le récit du chemin parcouru durant l’été 2008 par deux Belges, Suzanne Debois et André Linard. Partis de Bruxelles, ils ont emprunté le chemin de Paris, puis la Voie de Tours et le Camino Frances en Espagne. En gros, si le chemin en France fut merveilleux, l’Espagne tourna au cauchemar dès Roncevaux.

Le récit est très vivant : sans réelle chronologie, il est découpé en petits chapitres thématiques, relatant leurs rencontres, leur souffrance physique, leur cheminement intérieur,… Le style est très agréable à lire, mais le ton est très critique, aigri même…

L’aigreur du chemin

Compostelle, la mort d'un mythe ? Suzanne Debois et André Linard

Des expressions comme « Trains qui vomissent des pèlerins », « troupeau », « essaim », « étouffement »… sont révélateurs du « ras-le-bol » ressenti par nos deux Belges dès le passage des Pyrénées.

Après une soixantaine de pages, je me suis dit en moi-même : « J’espère ne pas devenir comme ça ! ». Mais je dois bien reconnaître que j’avais eu les mêmes sentiments en 2011, lors de mon premier « début » de chemin en Espagne, après un gros mois sur la Voie de Vézelay.

« Ces premiers jours en Espagne nous pompent le moral et, cette fois, c’est chez chacun de nous en même temps : la foule, la superficialité des contacts, la ruée sur les services, l’absence de relations avec les autochtones… Nous avons l’impression de commencer à perdre toute la richesse accumulée sur l’itinéraire français… »

 

Des contacts superficiels ou inexistants

André et Suzanne témoignent avec émotions de l’intérêt qu’ils suscitent lors de leur traversée de la France, et de toutes les gentilles attentions dont ils font l’objet.

En revanche, malgré qu’ils parlent Espagnol, ils n’ont pratiquement noué aucun contact avec les autochtones, le long des 800 km en Espagne. Comme si les autochtone regardaient passer les pèlerins dans un couloir de verre, n’ayant avec eux que des contacts superficiels et opportunistes.

Ce passage du livre a commencé à me faire peur. En effet, moi qui voyage seule, j’ai un grand besoin de contacts avec la population locale. Ce sont généralement les petits gestes d’accueil spontanés qui donnent tout leur sens à ma journée. Et force est de constater que, de Roncevaux à Puente la Reina, je n’ai rien vécu comme échange de ce genre. Au contraire, quelle déception lors de mon premier « cafe con leche » lorsque, pour répondre à mon grand sourire, la tenancière du café me montra la porte en criant « mochilla, fuera ! » (le sac à dos, dehors !).

Et les autres pèlerins ?

Plusieurs descriptions de pèlerins croisés en chemin sont peu flatteuses, frisant avec le jugement sur la supériorité de « leur » chemin (plus long, plus respectueux,…)

Je ne leur jette pas la pierre, car moi aussi j’ai parfois tendance à juger les autres de façon assez peu charitable. Mais c’est dommage de ne pas pouvoir dépasser ce regard critique sur l’autre. J’aimerais tellement arriver à mettre en pratique « l’art de bénir » de Pierre Pradervand, en particulier envers ceux qui m’irritent ou me dérangent dans leur différence.

Certes, Suzanne et André ont noué des contacts avec d’autres pèlerins (« nos copains », comme ils disent) mais, selon eux, ce sont des amitiés qui ne durent pas, et cela leur semble normal, souhaitable presque.

La fin du chemin

À leur arrivée à Santiago (le livre commence par une description peu flatteuse du Monte de Gozo bétonné et grouillant de touristes), force est de constater que « la mayonnaise n’a pas pris ». Suzanne et André ne ressentent ni émotion, ni plénitude. Ils voient surtout les magasin de souvenirs, les faux pèlerins, les déchets, les distributeurs de boissons… et une cathédrale somme toutes pas très belle.

Arriver à Compostelle dans la joie Souvenirs de Compostelle

Et la foi dans tout ça ?

Nos deux marcheurs hésitent parfois à se qualifier de « pèlerins », à cause de la connotation religieuse du mot. Tous deux se revendiquent athées et même un peu laïcs sur les bords, décrivant par exemple deux jeunes religieuses comme « les premiers spécimens de personnel religieux en uniforme que nous avons rencontrés ».

Mais est-ce que la foi permet de surpasser le rejet de tous les excès du chemin ? Est-ce que la prière aurait donné plus de sens à leur chemin ?

Pour eux, dans la foule et l’ambiance de « course à l’auberge », il n’était même pas possible de se recueillir. « Peut-être certains sont-ils capables de mener leur propre chemin intérieur malgré tout ça, mais nous pas ».

Un autre avis sur ce livre

Sur sa chaine YouTube, Christelle Armand parle de ce livre qui, semble-t-il, l’a bien éclairée sur son mal-être ressenti sur le Camino Frances. Elle m’a donné envie de le lire. Et juste à ce moment, mon ami Jean-Marc me proposait de me le prêter. Il n’y a pas de hasard…

En conclusion

Ce récit m’a vraiment ébranlée par rapport à mon projet de parcourir le Camino Frances cet été. Je me suis reconnue dans les expériences française et espagnole de Suzanne et André.

En reprenant le chemin, cet été, je souhaitais dépasser mes premières impressions, très négatives, du chemin en Espagne. Après cette lecture, je ne suis pas du tout certaine que j’arriverai à plus de tolérance et de recueillement que nos deux amis, pourtant bien plus mûrs et mieux préparés que moi.

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