Vendredi dernier, j’ai eu la chance d’assister à une conférence de Werner van Zuylen, premier pèlerin contemporain ayant parcouru le chemin de Compostelle en partant, non pas de chez lui mais… de Moscou.

Quoi que… la Russie est un peu la patrie de cœur de Werner, passionné d’histoire et de littérature russe, au point même d’en étudier la langue (et on se dit que c’était une bonne idée en l’écoutant raconter le début de son incroyable périple).

Pourquoi Werner décide-t’il un beau jour de tout quitter, sa femme, ses 6 enfants et sa confortable situation dans une banque bien connue de notre président ? Justement à cause du confort, ou plutôt du conformisme de notre société.

« Arrivé à la cinquantaine, je voulais m’évader de ce rotor dans lequel je tournais comme un hamster, quitter la ville, le bruit, et surtout le conformisme. En bref, je voulais fuir pendant 6 mois. »

Appuyé par de nombreuses photos pleines d’authenticité, Werner nous raconte les réactions contrastées qu’il suscite dans les différents pays traversés.

Werner et Sylvie à Compostelle Werner et Sylvie à Liège

Pour les Russes (du moins les rares personnes qu’il rencontre, restant parfois totalement seul plus de 2 ou 3 jours d’affilée), c’est de la folie, et en plus il n’est même pas armé ! En Biélorussie, on lui dit qu’il perd son temps, que ça ne sert à rien de marcher, et qu’il ferait mieux de prendre le bus et de retourner à son travail.

Tout autre écho en Pologne où son pèlerinage suscite l’enthousiasme de toutes les personnes croisées. En Tchéquie, pays de sportifs, fous de Nature, il reçoit de nombreux encouragements. En Allemagne, son chemin, synonyme de paix, attire les jeunes (nombreux sur les chemins de St Jacques) comme les aînés, qui portent encore le poids du passé comme un lourd fardeau.

Tout au long du chemin, Werner a rencontré la générosité, la fraternité. Mais aussi les stigmates des conflits qui ont jalonné notre histoire, et dont les plaies ne sont pas encore refermées partout. Ses photos des cimetières juifs à l’abandon suite aux exterminations nazies sont particulièrement émouvantes.

Et puis il y a les paysages, d’abord terriblement monotones dans la plaine de Russie, puis de plus en plus variés et vallonnés. Werner ne cesse de s’émerveiller. Evitant les grosses villes et dormant le plus souvent sous sa tente, son hôtel mille étoiles, il se sent en communion totale, permanente avec la Nature. Il se révolte de voir combien nous la maltraitons. Plusieurs fois, il nous parle de l’homme, le seul être vivant qui détruise l’environnent qui le nourrit.

Werner van Zuylen Werner van Zuylen

La solitude rend Werner totalement disponible à ce qui se passe à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de son corps, de son cœur et de son âme. Il se sent totalement « connecté » à une réalité où le verbe « être » prime sur le verbe « avoir ».

« La spiritualité, même si on ne la cherche pas, vient s’incruster en vous. »

La traversée de la France, pourtant bien balisée et riche en refuges, se fera sous une météo automnale qui aurait découragé le plus émérite des coquillards. Quant à l’Espagne, ils ne sont qu’une poignée à la traverser en décembre, dont Werner et quelques Coréens peu informés par Météo France sans doute…

Arrivé à Compostelle juste avant Noël, après plus de 5 mois de marche, Werner retrouve avec émotion son épouse Isabel. Celle-là même qui m’a avouera plus tard m’avoir détestée copieusement lorsque, un an plus tôt, lors d’un cocktail à Bruxelles, je ne tarissais pas d’éloges pour les chemins de Compostelle, renforçant encore l’envie de Werner de se mettre en route. Isabel ne m’en a pas voulu, bien au contraire, et lorsqu’elle est venue à son tour m’accueillir avec Werner lors de mon arrivée à Santiago, en août 2014, j’ai compris l’émotion et l’incroyable sentiment de paix après un tel cheminement.

« Ce fut la plus belle et la plus riche expérience de ma vie », conclut Werner, « un chemin que je vous conseille à tous. »

Werner a publié ses carnets de voyage dans un livre publié aux éditions Racine.

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