« Et vous n’avez pas peur de marcher seule, avec tout ce qu’on entend ? ». Les femmes qui parcourent le chemin de Saint Jacques n’en finissent pas d’entendre cette question. Faut-il pour autant avoir peur de partir seule vers Compostelle ?

Voici la question que me posait récemment Gabrielle sur la page Facebook :

Bonjour Sylvie,
Je m’apprête à partir pour Saint-Jacques de Compostelle par la route de Vezelay. Je serais seule une grande partie du chemin mon mari venant me rejoindre par intermittence.
Puis-je cheminer seule sans crainte ?
Merci pour votre réponse et votre blog que je consulte souvent.
Cordialement
Gabrielle

Les réponses n’ont pas tardé :

Oui tu peux y aller sans soucis, il y a tout le temps du monde sur le chemin et chacun se tient la main et se serre les coudes en cas de soucis – Cedric

Sans soucis dans la limite du raisonnable – Julien

Je pars, seule, de Vézelay, le 10 mai au matin …. on se verra peut-être ? – Béatrice

C’est aussi un de mes freins pour prendre le chemin – Christine

On voyage jamais seul il y a des gens devant ou derrière nous qui marchent – Léon

Nous ne sommes jamais seul effectivement ,vivre dans une grande ville n’est pas non plus sans dangers… – Gérard

Je suis partie seule de Vézelay à Santiago, on n’est jamais seule ! J’ai traversé des forêts sans voir personne, mais il y a toujours qq1 devant ou derrière toi. Et c’est seule qu’on est vraiment en pèlerinage ! Ultreä ! – Françoise

Je suis parti seul de Belgique à Compostelle (et même jusqu’à Fisterra) par la voie de Vézelay, de fin juillet à fin octobre 2011. J’ai connu une belle alternance de compagnons/compagnes de route et de solitude, pas le moindre problème de sécurité, et j’ai côtoyé pas mal de femmes qui cheminaient seules. Bon Chemin! – Willy

Ai fait le chemin en vélo SEUL depuis Wépion jusqu’à Compostelle, c’est une solitude habitée – Simon-Pierre

Jamais seul(e) sur le chemin

A ces chouettes réponses, je rajoute mon petit mot personnel…

Vaincre la peur, facile à dire !

Le chemin m’a appris à me débarrasser de mes peurs : peur de la solitude, peur de l’ennui, peur des agressions, peur d’être seule en forêt, peur de dormir à la belle étoile,… Mais cela ne s’est pas fait en un jour. Chaque peur nous oblige à faire le premier pas pour la dépasser, et la première fois, ce n’est pas évident. C’est donc tout à fait naturel d’éprouver ces peurs avant le départ.

Se surprotéger, pas toujours une bonne idée

Je me souviens de Kathleen, cette pèlerine hollandaise, championne d’arts martiaux, à la condition athlétique. Kathleen était obsédée par la peur des mauvaises rencontres. Elle transportait un incroyable arsenal : couteau, bombe anti-agression, coup de poing américain,…

Affolée de me voir me balader seule et dormir n’importe où, Kathleen a absolument voulu m’offrir sa bombe lacrymogène. J’ai accepté cet objet, puis j’ai vite réalisé qu’il allait m’attirer ce que je cherchais à éviter. En portant un objet comme cela, on est sans arrêt sur la défensive. On regarde chaque personne comme un agresseur potentiel. Et au final, on attire à soi ce que l’on cherche à éviter.

Et en plus, c’est du poids dans le sac ! J’ai donc vite rendu sa bombe à Kathleen.

Partir avec un chien ? Une très mauvaise idée

Beaucoup de chiens ne sont pas capables de parcourir de longues distances : ils ont besoin de plus de repos que nous et leurs coussinets supportent mal le bitume. Prendre un chien, c’est donc aussi s’équiper d’une carriole pour le tirer derrière soi. Et accepter de rentrer si le chien montre des faiblesses.

Sans compter les difficultés pour trouver à se loger avec son chien…

Je pars de Dinant lundi 6 mai. Pas tout à fait seul . Ma chienne lola de 5 kg toute mouillée m accompagne – Patrick

Patrick, pas trop une bonne idée d’emmener ta chienne, beaucoup d’albergue en Espagne ne vont pas t’accueillir!!! Désolée de t’annoncer cela, et prévois une tente car tu risques de dormir dehors… J’en ai vu plus qu un comme toi avec chien qui ne pouvaient pas avoir accès aux hébergements. J’ai fait Poitiers – Compostelle en juin juillet dernier. Buon camino – Caroline

Mon expérience sur le Chemin

Pendant 7 ans, j’ai parcouru les chemins de Saint Jacques seule, à pied, en dormant très souvent à la belle étoile.

Sur plus de 300 nuits et journées de marche solitaires, ai-je eu des difficultés ? Oui, bien sûr, je n’ai pas fait que de belles rencontres. Mais les « problèmes » sur le Chemin se sont finalement avérés très rares et bénins.

En Espagne, à 2 ou 3 reprises, j’ai été dérangée par les sifflets (tssss tssss) ou commentaires déplacés de certains hommes (toujours vieux et moches !), qui me croisaient dans les villes. J’ai aussi rencontré deux exhibitionnistes au bord du chemin, beark. Entre Roncevaux et Pampelune, un vendeur à la sauvette a essayé de me toucher de façon déplacée. Je ne me suis jamais sentie en danger mais ça m’a franchement énervée, dégoûtée, et sortie de ma belle « zénitude » sur le chemin.

Une nuit, j’ai commis l’erreur d’accepter « l’hospitalité » d’un Espagnol et de dormir dans son champ. Pendant la nuit, de retour du café, il a essayé de m’embrasser dans mon bivouac… J’étais furieuse, il est reparti, mais ce n’était pas drôle du tout. Cette fois-là, j’ai appris ma leçon : ne jamais demander à dormir chez un homme seul ! Mieux vaut le bivouac discret dans une petite chapelle :-)

L’amour comme seule défense

Pour se protéger des effets de tels actes sur le vécu de son chemin et ne pas céder à la peur et à la haine, une solution simple et très efficace consiste à bénir ses « agresseurs » dans leur dignité et leur respect de la femme. Outre la protection intérieure que cela procure, cela peut contribuer à calmer la personne mal-intentionnée ou irrespectueuse.

Dans la vidéo qui suit, je vous raconte mon vécu suite à une agression que j’ai vécue en bivouac, avec mon mari, à 9000 km des Chemins de Compostelle, dans un lieu fréquenté par les touristes. Je partage ce témoignage par honnêteté avec vous, car oui, on peut un jour tomber sur la ou les mauvaises personnes au mauvais moment. Cela peut arriver en ville, en vacances, sur le chemin du boulot ou peut-être même en marchant vers Compostelle. Faut-il pour autant céder à la peur et à la haine ? Moi, je dis NON !

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