Je n’avais jamais imaginé parcourir le chemin de Compostelle avec 5 euros en poche. Moi qui travaille dur toute l’année, j’ai coutume de ne me refuser aucun resto et d’être plutôt large dans les « donativo » (hébergements avec libre participation aux frais).

Pourquoi alors « jouer au pauvre » alors que l’on a les moyens ? Jacques Clouteau, dans son guide, est très critique envers ceux qui veulent « éprouver le frisson de l’aventure moyenâgeuse en vivant aux crochets de ceux qui gagnent leur pain avec le chemin ». Jean-Christophe Rufin, de son côté, parle de radinerie, sport national sur le camino.

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J’en étais là dans mes réflexions lorsque mon chemin a croisé celui d’Agathe, qui avait fait vœu de rallier Rocamadour à Roncevaux sans un sou, allant même jusqu’à détruire sa cadre bleue.

L’objectif d’Agathe : s’en remettre totalement à Dieu, pour que, non seulement il la guide sur le chemin, mais aussi dans ses choix de vie ultérieurs.

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Pour moi, la démarche est venue petit à petit. Le déclic a été d’entendre Amar, mon « guide spirituel » sur le chemin, me dire : « Le chemin, c’est au pain et à l’eau ».

Donc si on se contente de pain et d’eau, on peut aussi se contenter de quelques pièces de monnaie par jour. Je suis donc partie de Figeac vers Moissac (4 jours) avec 5 euros en poche.

Mon premier pain, je ne suis pas près de l’oublier. Un sublime « CroustiLot » de 500 grammes que j’ai dégusté durant 3 jours.

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Le plus étonnant est que je n’ai jamais mangé mon pain sec. J’ai reçu des tomates d’une jardinière, des melons d’un agriculteur, trouvé des prunes au pied des arbres… Lors des repas avec d’autres pèlerins, nous mettions nos provisions en commun et je recevais jambon et fromage contre quelques tranches de mon délicieux pain.

C’est fou tout ce que l’on a à offrir lorsqu’on voyage sans argent !

En fait, j’avais souvent un petit cadeau pour les gens que je croisais : des fruits ramassés dans un verger, une pierre en forme de cœur (merci Gérard la Tortue pour la bonne idée), un bouquet de fleurs, une tranche de pain ou de melon, une chanson, un sourire, un petit service, une prière,…

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Et la nuit me direz-vous ?

Comme vous le savez peut-être déjà, la Providence s’occupe de me réserver des hôtels mille étoiles. S’il pleut, je trouve des granges à la paille moelleuse. S’il fait beau, le ballet des étoiles filantes se joint au son des grillons pour de délicieuses nuits sans ronfleur et au grand air.

J’ai parfois été invitée par des voisins du chemin, sans rien demander, comme dans cette confortable yourte à Lascabanes ou dans cette chambre d’amis aux draps frais et aux oreillers douillets à Lagraulet (près de Montréal du Gers).

Yourte à Lascabanes

Quant au café, j’avais peur d’en manquer et étais partie avec des dosettes. Lorsque j’ai demandé de l’eau chaude pour la première fois, j’ai reçu tout un petit déjeuner !

De 2 euros à rien du tout, il reste un pas à franchir !

Je n’ai pas eu le courage d’aller au bout de la démarche, à savoir de demander à manger ou à loger chez les gens.

J’évitais d’ailleurs de dire que je voyageais sans argent pour ne pas mettre les pèlerins mal à l’aise. Ou peut-être avais-je peur de passer pour une pique-assiette ? Je n’avais pas non plus envie de justifier ma démarche, qui tenait plus de la quête ou de l’expérimentation que d’un réel vœu de « pauvreté » au sens monastique du terme.

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Qu’ai-je appris de ce « dénuement volontaire » ?

Librement consentie, l’absence d’argent n’a rien de comparable à la pauvreté subie, non volontaire. D’autant plus qu’il s’agissait d’une démarche pour une durée déterminée.

Pour moi, c’était loin d’être une privation et encore moins une source de frustration. Pas une fois, d’ailleurs, je n’ai ressenti la faim.

Au contraire, cette démarche m’a donné un énorme sentiment de liberté.

  • Elle m’a ouvert les yeux sur les dons de la Nature, sur la valeur des cadeaux non matériels et des « vrais » échanges entre humains.
  • Elle a encore renforcé ma confiance en la Providence qui, lorsqu’on lui ouvre grand la porte, ne manque jamais un rendez-vous.
  • Elle m’a permis de savourer chaque bouchée de pain, chaque tranche de melon offert, en remerciant l’agriculteur et le boulanger pour leur travail.
  • Elle m’a confortée dans ma démarche d’une consommation plus locale, avec des produits de qualité, cultivés et produits avec amour, aux antipodes de la nourriture industrielle sans âme et de l’agriculture qui dévore les hommes et assassine la terre.

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Une démarche assez proche du chemin sans argent : le chemin avec un sac ultra-léger

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