En démarrant le Camino Portugues à Porto, les pèlerins ne découvrent qu’une toute petite partie du Portugal (5 ou 6 étapes, sur 110 ou 125 km). Pour mieux connaître ce pays accueillant, j’ai décidé de partir de Lisbonne et de parcourir les 380 km du chemin de Saint Jacques jusque Porto. Voici mon retour d’expérience après 15 jours plutôt éprouvants.

Si je devais résumer ce chemin, je dirais que oui, il permet de découvrir le Portugal, mais qu’il ne se justifie que dans le cadre d’une longue marche vers Saint Jacques (un mois de Lisbonne à Santiago), que vous pouvez même commencer encore plus bas que Lisbonne, avec la Via Algarvia (depuis la frontière espagnole ou Faro) et/ou la Rota Vicentina depuis le Cap Saint Vincent (il faudra alors trouver votre propre chemin entre la fin de la Rota Vicentina et Lisbonne, soit 100 à 120 km en passant par Setubal).

Mes impressions sur ce chemin

Ce fut une erreur de ma part de ne marcher que de Lisbonne à Porto car ce tronçon est peu propice au ressourcement : pas ou peu de nature, du bruit, de la route à 80-90%, peu de lieux magiques comme des chapelles isolées, des points de vue, peu d’accueils mémorables (même si il y en a),…

La sortie de Lisbonne est agréable et évite plus ou moins les zones industrielles (à part l’étape vers Azambuja). La route est plate et longe de loin les rives du Tage. C’est une région de grande culture, très peu peuplée (elle était fréquemment inondée), donc avec peu d’histoire et de patrimoine.

Pèlerine dans le Ribatejo Rua de Santiago

Les villes culturelles de Lisbonne, Santarém, Tomar, Coimbra et Porto sont intéressantes, mais alors rajoutez une journée pour chaque ville à votre programme. Ce ne sera pas possible, en effet, de cumuler les longues étapes et la visite de la ville.

Tomar  Tomar

Entre Tomar et Coimbra, c’est enfin un « vrai » chemin, avec 3 étapes (seulement 3) dans un beau paysage, avec des oliviers, des chênes-liege, des petits villages, des rivières, un peu de collines.

Le Chemin de Lisbonne

Mais après Coimbra, les 150 km vers Porto sont très éprouvants moralement : on a l’impression de ne jamais quitter le trottoir et le chemin va de ville en ville, de zone industrielle en banlieue résidentielle, sans oublier de passer par des zones commerciales oppressantes et des cités délabrées. Si vous poursuivez par le Camino Portugais central (ou que vous suivez les flèches pour le Caminho da Costa au lieu de longer le Douro), vous aurez encore une journée de ville dans la banlieue de Porto.

Dur dur sur les pavés

Ensuite, quel que soit le chemin que vous choisissez, vous pourrez enfin respirer après Porto.Vous avez le choix entre le Caminho central ou le Caminho de la Côte. Certes, il y a encore du goudron et quelques villes à traverser en Galice mais Saint Jacques approche, on est plus motivé !

Mes logements

Mes logements étaient principalement des chambres privées (albergues privées, pensions, Airbnb dans les villes). Il y a quelques albergues associatives : Azambuja, Coimbra, Albergaria-a-Velha et Grijó. L’accueil dépend très fortement du bénévole présent, pour moi c’était du 50/50 (accueil super à Azambuja et Albergaria, beaucoup moins à Coimbra et Grijó).

Il est parfois possible de dormir chez les pompiers (bombeiros) : confort sommaire mais gratuit et totalement dans l’esprit pèlerin. J’ai également dormi dans une maison de retraite mais c’était plus compliqué, j’ai dû attendre 1h30 dehors pour avoir l’autorisation du directeur.

Loger chez les bombeiros Gîte pèlerin de Liede

Le bivouac est possible et j’ai repéré quelques endroits sympas, notamment des aires de pic-nic, mais attention de bien vous assurer qu’elles ne se trouvent pas au bord de la nationale ! Par contre, peu de lieux de bivouac disposent d’un point d’eau, il faudra vous ravitailler en suffisance. Les villageois sont accueillants et vous laisseront en paix. Ils vous autoriseront sûrement à camper dans leur jardin si vous leur demandez en portugais !

Quelques étapes suggérées par les guides sont horribles, avec des auberges privées sur la grosse nationale où passent 30 camions par minute. J’ai fui en voyant les logements de Mealhada et de Albergaria-a-Nova.

Je me suis également méfiée (peut-être à tort) des auberges situées un peu à l’écart du chemin et qui font trop de publicité. Ce n’est jamais bon d’être coincé loin de tout et obligé de manger sur place.

Mon coup de coeur va à Heart Way pilgrim house, l’accueil donativo de Liede, jeune Hollandaise remplie de bienveillance. Liede habite dans une ancienne maison 21 km après Tomar, l’arrêt idéal pour une petite étape après la visite de la ville.

Mes étapes sur le Camino portugues

Carte du Caminho Portugues

En raison de la météo fort pluvieuse en ce mois d’avril et surtout du manque d’endroits « magiques » pour m’arrêter, j’ai parcouru les 380 km de Lisbonne à Porto en 15 étapes.

J’avoue que c’était sportif, avec 7 étapes de 30 km ou plus et que ce rythme laissait peu de place pour les visites culturelles.

1) Lisbonne – Moscavide (10 km) – auberge de jeunesse
2) Moscavide – Alhandra (28 km) – bombeiros
3) Alhandra – Azambuja (19 km) – albergue associative
4) Azambuja – Santarém (32 km)
5) Santarém – Golegã (32 km) – bombeiros
6) Golegã – Tomar (30 km)
7) Tomar – Vila Verde (21 km) – Heart Way Pilgrim House, chez Liede
8) Vila Verde – Ansiao (26 km)
9) Ansiao – Rabaçal (18 km) – Albergue café Bonito (éviter le repas pèlerin infect)
10) Rabaçal – Coimbra (30 km) – Albergue Santa Clara ferme à 20h30 si pas de bénévole mais bien située sur la rive en face de l’université
11) Coimbra – Aguim (29 km) – pas d’hébergement mais accueil dans une famille
12) Aguim – Agueda (20 km)
13) Agueda – Pinheiro da Bemposta (28 km) – Maison de retraite
14) Pinheiro da Bemposta – Grijó (36 km) – albergue associative
15) Grijó – Porto (18 km)

Équipement, nourriture et guides

Au niveau du relief, le chemin portugais ne présente pas de difficulté. J’ai laissé mes bâtons à la maison et trouvé un bout de bois au bord du chemin. J’ai marché en sandales, les bottines sont à proscrire sur le goudron, surtout s’il fait chaud.

Je n’ai pratiquement pas porté de nourriture, il y avait toujours un bar, une pasteleria ou un restaurant sur mon chemin au moment où j’avais un petit creux. Les Portugais vont au restaurant à midi, prendre un « Prato do Dia, un menu complet, abondant et économique (renseignez-vous auprès des locaux pour connaître les bonnes adresses loin du centre touristique des villes). Le soir, fuyez lez menus pèlerin (chers et pas fameux), surtout si ils sont proposés par votre gîte. Une grosse faim en soirée ? Trouvez-vous une churrasqueria pour un bon frango assado (poulet rôti).

Prato do Dia Guide Caminho Portugues

Il n’est pas nécessaire d’acheter un guide sur ce chemin, le chemin est très bien balisé et l’association Via Lusitana vous fournira une liste des villages avec les kilomètres, les points pour se ravitailler et les logements. Si vous aimez les cartes, le guide de John Brierley est une référence. J’avais un petit guide édité par des Américains, format ultra-léger, c’était parfaitement suffisant.

Quand partir ?

Les auberges associatives entre Lisbonne et Porto sont ouvertes de mars-avril à octobre.

Le temps est idéal au printemps, il y a beaucoup de fleurs, mais pas de chance pour moi, il y a eu aussi beaucoup de pluie en avril cette année. Attention, en été il fait très chaud et il n’y a pas beaucoup d’ombre ni de rivières (quelques lavoirs quand même).

Chaussée romaine entre Coimbra et Porto

Fréquentation

La portion Lisbonne – Porto est nettement moins fréquentée que le chemin au départ de Porto.

On a dénombré 1140 pèlerins sur 7 mois à l’auberge juste après Lisbonne, soir une moyenne de 6 par jour. Personnellement, j’ai connu des étapes où nous étions 15-20, puis d’autres où j’étais seule ou avec un seul pèlerin. Durant la journée, on ne croise aucun marcheur, à part les Portugais qui vont à Fátima (dans l’autre sens).

Passer par Fatima ?

Depuis les apparitions de 1917, le sanctuaire marial de Fátima attire des milliers de Portugais et d’étrangers.

Les Portugais sont très nombreux à aller à pied à Fátima alors qu’ils sont très rares sur le chemin vers Compostelle. Ils partent pour la plupart depuis les villes situées à 50 ou 100 km autour du sanctuaire comme Coimbra ou Azambuja. Certains marchent les 100 km d’une seule traite ou sur un week-end. Ils vont le plus souvent en groupe, vêtus d’un gilet jaune, ils marchent vite et sans sac.

J’ai eu quelques beaux échanges avec certains pèlerins portugais qui m’ont parlé de leur foi et de leur dévotion à Marie. Certains marchent pour demander une grâce ou remercier pour une grâce reçue. Ils sont parfois dans une démarche de sacrifice ou de pénitence. Ils trouvent que les pèlerins de Saint Jacques se la coulent douce en comparaison avec eux !!!

Vers Fatima Balisage vers Fatima et Compostelle

Le pèlerin de Saint Jacques qui part de Lisbonne peut faire un détour par Fátima au départ de Santarém et retrouver le chemin plus au nord, à Ansiao. Il loupera alors la belle ville de Tomar : entre Marie et les Templiers, il faut choisir !

Le pèlerin au long cours arrivé à Compostelle par l’Espagne peut aussi suivre les flèches bleues qui l’amèneront jusque Porto et Fatima, environ 4-5 étapes au nord de Lisbonne. De quoi prolonger d’un mois son chemin, cette fois en marchant vers le sud !

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