C’est par Claire Collette (et par la BD de Servais) que j’avais entendu parler de la Via Arduinna. Avant de partir, je savais juste qu’elle passait par Orval et Avioth, et j’avais vaguement mémorisé le nom du village de Chiny.

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Autrement dit, je n’avais absolument aucune idée de ce que j’allais découvrir en sortant du train, un beau matin, à Florenville. Première priorité : me procurer un topo-guide, ou au moins un itinéraire. Première surprise : la gare de Florenville n’est pas au cœur d’une riante cité (dont j’avais repéré l’office du tourisme sur Internet) : elle est au milieu des champs !

N’ayant aucune envie de me farcir la route en pente (montante) jusqu’au village invisible de la gare, j’avise une voiture et lui demande de me conduire. Mais elle part dans le sens opposé et me dépose à… Chiny ! Je laisse faire la Providence et vais me recueillir quelques minutes dans l’église, avec une curieuse vierge toute noire.

L'église de Chiny La Vierge Noire de Chiny

En sortant de l’église de Chiny, je fais un grand sourire à Saint Jacques car, pile en face de moi, il y a un petit syndicat d’initiative, inespéré et… ouvert le samedi matin ! Et une dame adorable qui me remet directement un superbe itinéraire avec cartes et moultes détails : mais que rêver de plus ? Une voiture pour me conduire au point de départ de l’itinéraire, peut-être ? Je lève le pouce et une dame « qui ne prend normalement jamais d’auto-stoppeurs » s’arrête à ma hauteur et me dépose à Suxy.

Topo-Fiche Via Arduinna de Suxy à Orval Balisage de la Via Arduinna entre Suxy et Chiny

Je découvrirai plus tard que j’ai vraiment eu une chance énorme, car le tronçon Suxy-Orval est le seul actuellement balisé et documenté, entre Liège et Vitry-le-François.

Il est 11h30 au clocher de Suxy lorsque je me mets en marche. Je vous laisse découvrir les photos de l’itinéraire dans la section « Via Arduinna » de site.

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L’intérêt de partir de Suxy est que l’on quitte visiblement l’Ardenne pour rentrer en Gaume. Le changement de climat est palpable lorsque l’on approche de la Semois.

Je repasse sous le village de Chiny, que le chemin ne traverse pas (le sentier longe l’eau tandis que le village est sur un promontoire au cœur du méandre). Je m’arrête quelques instants près de la passerelle sur la Semois.

Le long de la Semois à Chiny IMG_6172

En mangeant mon sandwich, je consulte mes messages et trouve une réponse de l’abbaye d’Orval contactée par mail ce matin : elle est fermée ! Mais… j’y serai quand même accueillie si je me présente à la porte entre 19h et 19h30. Je peux vous garantir que je passe l’après-midi à bénir le frère hôtelier, d’autant plus qu’il précise dans son message que c’est « tout à fait par hasard qu’il a consulté son courrier ce matin ». Eh bien moi, je lui dis merci, à ce merveilleux « hasard ».

En relisant un peu plus attentivement ma topo-fiche, je découvre que le chemin de Suxy à Orval ne fait pas 20 km, mais plus de 25 km, gloups ! C’est la variante par le Barrage de la Vierre qui fait 20 km, mais j’ai choisi le chemin le plus long, bien entendu. Étant partie à 11h30, il ne faudra plus faire trop de pauses pour arriver avant la nuit.

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Je me remets en route d’un bon pas et là, nouveau clin d’œil de la Providence pour moi qui pensais marcher totalement seule en Ardenne : une marche ADEPS internationale a justement lieu aujourd’hui autour de Chiny ! Le gag, c’est que les marcheurs vont dans le sens opposé au mien, ou plutôt qu’ils pensent tous que je vais dans le mauvais sens !

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C’est une coïncidence assez comique car j’étais justement en train de me demander ce que cela ferait de marcher de Compostelle dans le sens du retour. J’ai mal aux joues à force de sourire et de saluer les gens ! Un peu surprise aussi car tous semblent ultra-pressés. Un marcheur à qui je demande de me prendre en photo consulte son smartphone histoire de voir combien de points il va perdre sur sa moyenne… et lansquenet laisser tomber mon appareil photo ! Il faudra m’y faire, si je marche de Compostelle vers Assise, je ne pourrai pas faire causette avec tous les pèlerins dans l’autre sens.

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Je découvre de magnifiques paysages Gaumais avant et après Martué, et je me félicite de ne pas avoir fait le détour par Florenville, c’était vraiment loin de la gare. Par contre, je marche trop vite et je ne vois pas le bas-relief de Saint Jacques matamore sur la chapelle de Martué, ni aucune des 4 coquilles de bronze disposées sur le tronçon (à Suxy, Chiny, Martué et Orval). Pour une chasseuse de coquilles professionnelle comme moi, c’est un comble !

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De très beaux bois peu après la frontière française, avec laquelle le chemin flirte sur 8 kilomètres. On traverse également la voie romaine de Trèves à Reims et on peut encore voir les vestiges des haltes de l’époque, ce qui est tout à fait extraordinaire car ces lieux sont en général occupés depuis lors et on ne retrouve plus de trace des constructions romaines, ce qui est tout n’inverse ici. Magique.

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J’arrive à Orval après avoir longé le ruisseau de Williers dans une vallée presque féerique. J’ai même le temps pour boire « quelque chose » servi en exclusivité à la pression au restaurant « L’Ange Gardien », qui dépend de l’abbaye. Avec deux croquettes au fromage d’Orval, c’est un festin !

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Je trouve l’abbaye fermée comme prévu. Au moment où j’allais me,demander comment signaler ma présence, arrive une voiture et un Monsieur, sorti de nulle part, s’excuse d’avoir fermé la barrière et me fait rentrer. Un ange gardien, ou presque… (et je n’ai pas abusé de la trappiste pour voir des anges, promis !).

La devise des moines d’Orval est que tout visiteur est accueilli comme le Christ lui-même, et je dois dire que c’est exactement ce que j’ai ressenti. Je n’osais pas trop parler avec le frère, sentant qu’il ne fallait pas perturber l’atmosphère de paix et de recueillement de l’abbaye. Mais même sans se parler, cette rencontre avec le frère Bernard-Joseph fut incroyable d’intensité, d’échange d’âme à âme.

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Le père Bernard-Joseph, frère hospitalier à Orval

Épuisée par cette dure journée de marche trop rapide pour mon rythme, je n’ai plus la force de prendre une douche ni même de soulever un stylo pour remplir mon carnet. Je me rends donc dans la belle église d’Orval, par les longs couloirs du cloître où je suis totalement seule, sous la lune et les étoiles. L’église s’ouvre comme par magie, et j’y reste un long moment dans la pénombre, avant que les moines n’arrivent, un par un, silencieusement, pour entonner ensemble la prière du soir. Moment d’émotion intense durant leurs chants, et « effet waouw » complet lorsque les lumières s’éteignent d’un coup, avec un gros spot derrière le vitrail de la Vierge et un sublime Salve Regina qui clôture la prière. Je redescend à pas de loups du jubé où je m’étais un peu cachée pour ne pas interférer dans la magie de ce moment.

L'Abbaye d'Orval vue de l'intérieur

À 5h30, je serai réveillée « comme par hasard » pour retourner à l’église pour la première prière du matin. Des moments hors du temps, hors du monde terrestre.

Je retrouve ensuite mon duvet et m’offre une grasse matinée bien méritée jusqu’à la messe de 10 heures, célébrée par « mon » frère hôtelier himself. J’apprendrai plus tard que lui et plusieurs de ses frères sont très actifs dans l’accompagnement spirituel de familles de mon entourage. Coïncidence, encore…

L'Abbaye d'Orval vue de l'intérieur IMG_6188

Il est 11 heures et, conformément à mes « bonnes » habitudes, c’est encore trop tôt pour démarrer ma journée de marche. Et puis, je n’ai pas eu mon café ! La terrasse de l’Ange Gardien me donne un point de vue sur l’abbaye que j’ai quittée à regrets. Côté pratique, je devrai me débrouiller pour trouver ma voie aujourd’hui, car personne ne connaît l’itinéraire qui va vers Avioth et Montmédy. J’achète une carte de l’Ardenne à la boutique de l’abbaye, elle se révélera très utile.

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Les migrations de grues annoncent le printemps et m’accompagnent toute la journée.

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Vous trouverez le descriptif de l’itinéraire Orval – Avioth – Montmédy dans la section « Via Arduinna » de ce site.

Ma seconde journée de marche sera tout aussi « magique » que la première, avec des chemins qui se présentent à moi sans que je ne doive les chercher et un soleil radieux qui rend à Avioth une partie de ses chaudes couleurs d’origine. Je passe un long moment dans l’église, en particulier dans La Chapelle de la vierge, puis je prends un bon café à La Grange, une adresse bien connue dans les environs.

Notre-Dame d'Avioth IMG_6236

J’arrive à Montmédy en fin de journée, par un chemin sur les crêtes qui semble presque dominer la citadelle, elle-même construite sur un promontoire au-dessus de la ville. Je suis en France, mais il suffit de lever le pouce et une charmante dame me conduit à Virton, où le train semble m’attendre sur le quai (et il n’y a qu’un train toutes les deux heures le WE !).

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Oserais-je encore parler de « chance » ou de « magie » après ces deux jours de grâce, vécus dans le lâcher-prise et, je dois le dire, dans l’émerveillement devant tant de bontés offertes à une modeste « pèlerine du week-end », le long d’un simple chemin dans les bois ardennais.

En savoir plus sur la Via Arduinna

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